Spectacles > Bona Kélé

Bona Kélé

Toutes les versions de cet article : [English] [français]

Bona Kélé - Photo : Achromatik

Bona Kele signifie la guerre de Bona : c’est ainsi que nombre de Burkinabè appellent la rébellion des populations de la boucle de la Volta contre l’autorité coloniale française, en 1915, au moment où cette dernière levait des troupes pour la Grande Guerre.
Alors que le conflit fut brutal et massif, il demeure méconnu. Ce spectacle d’objets, simple et léger, a été réalisé en collaboration avec les Grandes Personnes de Boromo, écrit, créé, sculpté et mis en scène au Burkina Faso. Une succession de 53 objets évocateurs — sculptures en bois, objets forgés — permet de raconter l’histoire.

En savoir plus

Il y a exactement cent ans

« La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française. »
Loi du 23 février 2005.

Un jour de 1987 le sculpteur Bomavé Konaté m’a accompagné à Sibi, petite ville du Burkina Faso, alors dynamique grâce à sa gare que desservait le train Ouaga-Abidjan.
Il y avait au centre ville, sur le bord de la route un très grand fromager où m’a-t-il dit, on avait pendu des hommes en 1916 à l’occasion de la révolte des Bwa.
J’y ai souvent repensé. Si Hampaté Ba et Nazi Boni en parlaient, en France, cette importante révolte en réaction à la conscription forcée des tirailleurs paraissait avoir presque sombré dans les oubliettes de l’histoire.

Une collaboration régulière et de fortes amitiés avec des artistes et habitants de la région, un partenariat privilégié avec l’association « Les Grandes Personnes d’Afrique, marionnettes de Boromo » nous ont permis de réexaminer ensemble cette histoire, d’en collecter des bribes et d’en faire un spectacle d’objets, simple et léger.

Christophe Evette

Au Burkina Faso
Bona Kele a été écrit, crée, mis en scène et joué au Burkina Faso, à Ouri, à Ouaga-Dougou et Boromo. Ce spectacle d’objets, simple et léger, a été réalisé en collaboration entre les Grandes Personnes d’Aubervilliers et les Grandes Personnes de Boromo, en partenariat avec le festival de théâtre de rue de Ouaga « Rendez-vous chez nous ».
Travailler au Burkina a permis de voir les lieux où le conflit s’est déroulé et de recueillir sur place la manière dont enfants et des petits-enfants des insurgés racontent encore l’événement.

Une création franco-burkinabé légère et nomade
Une succession de 53 objets évocateurs — sculptures en bois peintes, objets forgés — permet de raconter l’histoire. Ces éléments tiennent dans la main, ils constituent des supports intimes et accessibles de la mémoire. Chacun correspond à un moment du récit et fournit l’occasion d’une évocation du passé.

Les spectateurs sont installés, par groupe, autour de plusieurs tables. Un acteur arrive, il tire des objets d’un sac ou d’un panier et les pose sur la table ; il raconte et explique à sa manière les épisodes qu’ils symbolisent. Il est ensuite remplacé par un second acteur, puis par un troisième, jusqu’à la fin du récit, avec chacun son groupe de sculptures.

Acteurs français et burkinabé sont mêlés, si bien que l’on entend à la fois le français métropolitain qui fut celui de la colonisation et le français du Burkina.

La plupart des objets ont été réalisés par des forgerons et sculpteurs de masques traditionnels Bwa, dont les ancêtres ont été directements impliqués dans la révolte.


Bona Kélé - Photo : Achromatik
Photo : Achromatik

Pourquoi « Bona Kélé » ?

« Bona Kélé » signifie la guerre de Bona, du nom du village où l’insurrection a commencé. C’est ainsi que nombre de Burkinabè appellent la rébellion des populations de la boucle de la Volta contre l’autorité coloniale française, en 1915-1916, au moment où la France y levait des troupes pour la Grande Guerre.

Ce conflit fut brutal et important : d’après l’universitaire Patrick Royer qui a consacré un ouvrage capital au sujet, il concerna presque un million de personnes et menaça la suprématie française en Afrique de l’Ouest. Pourtant, il demeure méconnu, et l’on ignore encore si son centenaire sera l’occasion d’une commémoration.

La compagnie Les Grandes Personnes a utilisé cet écho africain au conflit mondial de 1914-1918 comme argument d’une nouvelle création.

Pour les membres français et burkinabè des Grandes Personnes, ces guerres, révoltes ou rébellions font partie d’une histoire commune : le sang versé en Afrique à cette occasion s’est mêlé : il est devenu un lien, il constitue un signe de parenté.

Très concrètement, un ancêtre de l’un des artistes de la compagnie française, commandait une batterie d’artillerie au siège de Sikasso au Mali en 1898, alors que l’arrière-grand-père de deux sculpteurs burkinabè de l’équipe de Boromo a coulé des balles et forgé des pointes de flèches à Bona, pour la révolte.

Photo : Achromatik

Prolongements
Si le public burkinabé a apprécié la représentation, plusieurs spectateurs ont signalé que le récit n’était pas « complet ». Les Grandes Personnes envisagent de poursuivre le collectage de témoignages au Burkina Faso pour donner une version plus étoffée des événements.
La compagnie étudie également la possibilité de réaliser au Burkina des bronzes à la cire perdue, moins fragiles que les sculptures en bois, qui permettraient de faire tourner le spectacle dans les écoles du pays.
Par ailleurs, la réalisatrice Emmanuelle Sabouraud qui a documenté une partie du collectage et de la création travaille à un film de 52 minutes sur la genèse du spectacle.

Bibliographie
Patrick Royer et Saul Mahir, West African challenge to the Empire : Culture and History in the Volta-Bani colonial war, Athens & Oxford : Ohio University Press and James Currey, 2002.
Patrick Royer, « La guerre coloniale du Bani-Volta, 1915-1916 (Burkina-Faso, Mali) », dans Autrepart 2/2003 (n° 26), Sociétés dans la guerre, p. 35-51.
Nazi Boni, Le Crépuscule des temps anciens : chroniques du Bwamu, Présence africaine, 1962, réédité 2000.

Conception : Christophe Evette
avec le soutien et les conseils de Bomavé Konaté.

Recherche et collectage en France : Jean-Baptiste Evette
Recherche et collectage au Burkina : Bomavé Konaté, Gnilé Konaté,
Laure Louvat, Christophe Evette et Emmanuelle Sabouraud.

Il est impossible de citer ici les noms de tous ceux qui, de Ouahabou à Sibi, ont contribué par leur témoignage à l’élaboration du récit, mais nous tenons à les remercier ici, et tout spécialement les familles Koté à Bona, Konaté à Oury, et Lougué à Boromo.

Objets sculptés et forgés par : Bomavé Konaté, Yabako Konaté,
Yézouma Konaté, Noumassi Tiaho, Fianlo Tiaho,
Yzimi Konaté, Loa Konaté ; Bani Konaté, Pemba Konaté,
Yémavé Konaté, Christophe Evette, Zoumienne Tiaho, Mamadou Konaté, Rose Anne Nollet, Masanvo Tiaho, Mitihan Tiaho.

Et peints par : Inoussa Tapsoba dit Tapson, Dakoué Clément dit Papa, Rose Anne Nollet, Ibrahim Sougué, Aïdara Zoubierou et Paula Chaman de Courcelles

Cordonnerie : Lassina Simboro

Illustrations : Sarah Letouzey

Bona Kélé est raconté par Pauline de Coulhac, Yacouba Sawadogo, Raphaële Trugnan, Benoit Hamelin, Yabako Konaté ; Christophe Evette, Laure Louvat, Sidiki Zoromé dit Ladji , Gaston Doulkon, Lamoussa Yao, Ysimi Konaté, Aïdara Zoubierou et Ousseini Zongo

Production, diffusion et régie : Laure Louvat. Administration : Anne Gablin et Dri Zongo.

Création soutenue par le Parc International des Arts Modernes et Traditionnels de Boromo, par le Festival Rendez Vous chez Nous et par la Villa Mais d’Ici.

Photo : Hannah Paton
Photo : Hannah Paton